Le ricain au milieu des talibans qui hurle "Allah Wakbar !"... il y a les 15 ans d'Histoire qui ont suivi, dans cette simple scène.

Et je crois bien qu'il crie en arabe, sans comprendre ce qu'il gueule.

Le Septième continent (1989), premier volet de la trilogie sur la "glaciation émotionnelle" instaure une matrice de plan qui fait la part belle aux plans rapprochés et aux gros plans afin de focaliser sur des rituels que le cinéma à tendance à éviter. Gros plan sur une paire de pieds qui enfilent des chaussons, le père qui lasse ses chaussures, sur la main de la mère qui ferme la porte de la chambre de la petite fille. On se demande pourquoi cette matrice de plan en plan rapproché / gros plan fonctionne alors qu%u2019il ne s%u2019agit de montrer qu%u2019une suite de gestes rituels de la vie quotidienne. Curieusement on aperçoit d%u2019abord des personnes anonymes avant d%u2019apercevoir enfin le visage d%u2019un des membres de cette famille, le père à son travail à la 10 ème minute alors qu%u2019en voix of l%u2019épouse lit une lettre écrite au parent de son mari. On découvre ensuite le visage de la petite fille à l%u2019école alors qu%u2019elle prétend ne plus être capable de voir quoique ce soit (11 mn 45) puis celui de la mère à son travail (13 mn 48).Qu%u2019est-ce que ça veut dire de montrer le mode de vie d%u2019une famille et son intérieur dont on comprend vite qu%u2019il s%u2019agit d%u2019une famille de la classe moyenne qui a plutôt réussit. On entre ainsi dans la vie intime d%u2019une famille dont on ignore tout mais la caméra s%u2019ingénie à cadrer de telle sorte qu%u2019elle met les visages en hors champ comme si il s%u2018agissait de priver cette cellule familiale de son identité. Le choix de cadrage opéré par Michael Haneke est éminemment politique et vise à montrer un modèle de la famille normée dont on peut ensuite découvrir l%u2019identité des personnalités. Ce processus amplifie le vertige découlant de l%u2019issue dramatique choisie par la famille. L%u2019aveuglement mental est d%u2019autant plus fort qu%u2019il est constamment entretenu par les médias, la publicité ou l%u2019affiche paradisiaque montrée en plein écran qui vante la beauté des plages australiennes en annonçant la promesse d%u2019un plaisir accessible.Le 7 ème continent est le mobil qui pousse à poursuivre une réussite professionnelle et à accepter la puissance normative du conformisme. D%u2019ailleurs la mère de la femme de Georg aurait dit qu%u2019elle s%u2019imaginait parfois les gens avec des écrans sur lesquels s%u2019affichent leurs pensées à la place de la tête. On reste dans un registre où l%u2019exercice de la vision est comme empêché par une grille de lecture faussée par l%u2019effort normatif. Quand Eva dit ne plus pouvoir voir, peut-être veut%u2013elle simplement parler de son refus de voir et pas d%u2019une forme de pathologie. Les rituels se répètent avec le réveil matin, la paire de pieds qui enfile ses chaussons, le laçage de chaussure sur le bord de la baignoire, la nourriture des poissons ; le quotidien est un piège et il faut sortir la voiture du garage pour aller au travail.Benny%u2019s video (1992) est un film qui renvoie directement à Funny Games (1997) que le cinéaste a réalisé 5 ans plus tard avec certains comédiens comme Ulrich Mühe, le père de famille dans les deux films et Arno Frisch (Benny) et que l%u2019on retrouve sous les traits de Paul, un des deux jeunes tueurs de Funny Games. Il s%u2019agit d%u2019une histoire basée sur les cas de faits divers relatant des meurtres perpétrés par des jeunes gens de bonnes familles avec une relative légèreté puisqu%u2019il semble que la portée de l%u2019acte accomplit ne soit pas pleinement mesuré par Benny en particulier puis par ses parents qui préfèrent tenter d%u2019étouffer l%u2019affaire. Une fois de plus, sauver les apparences et préserver un statut semble plus important que la justice.Comme souvent dans le cinéma de Michael Haneke, le filtre de l%u2019image et de l%u2019écran sur lequel elle se projette est très présente puisqu%u2019elle s%u2019interpose entre le monde et l%u2019%u0153il de Benny. Ce dernier perçoit la réalité au travers du filtre déformant de la vidéo qui peut rendre beau et fascinant la mise à mort d%u2019un porc. Benny ne sait quel %u0153il le fascine ce qui le conduit à sous-estimer la réalité de la survenance des faits ou des actes. Son manque de repères va le conduire à une dérive fatale. Le rôle des parents est peut-être encore plus stupéfiant que l%u2019acte commit par Benny.71 fragments d%u2019une chronologie du hasard semble justifier son titre par le montage qui s%u2019appuie sur de nombreux fragments de scènes montées, assemblés et séparés par une transition noir de quelques brèves secondes. Nous n%u2019avons pas compté les nombreux fragments d%u2019images montées ainsi mais il semble bel et bien que le film compte 71 de ces fragments. C%u2019est une idée séduisante qui permet formellement de décrire l%u2019anatomie d%u2019un fait divers, un évènement qui survient suite à une accumulation de faits dont nous n%u2019avons pas forcement connaissance en temps normal. Ce principe permet en outre de montrer quels sont les points communs entre les victimes et le meurtrier dans le fait divers décrit par Michael Haneke. D%u2019ordinaire les cas de meurtre accomplis par un individu contre d%u2019autres sans motif apparent laisse dubitatif et peuvent remplir de frayeur car ils peuvent potentiellement survenir partout et concerner tout un chacun.Michael Haneke juxtapose les fragments choisis sans orienter de manière classique le spectateur avec un montage linéaire où les enchaînements sont télégraphiés. Au contraire, il pose des faits qui sont autant de points de repères à défaut d%u2019être des preuves ou des justifications pour expliquer la genèse des crises qui conduisent à des meurtres sans mobil apparent. En ceci, 71 fragments d%u2019une chronologie du hasard est un peu à part dans la filmographie de Haneke et on peut dire qu%u2019il s%u2019agit d%u2019un film choral où l%u2019on voit évoluer plusieurs personnes qui appartiennent à un moment ou un autre à la chronologie du hasard d%u2019un évènement. Il s%u2019agit pour Michael Haneke de prendre en contre pied les deux premiers films de la trilogie qui étaient plus fermés et recentrés sur une famille pour s%u2019ouvrir dans 71 fragments d%u2019une chronologie du hasard sur l%u2019ensemble de la société.http://www.dvdcritiques.com/critiques/dvd_visu.aspx?dvd=3423