Même si dans la forme, Darren Aronofsky s'impose incontestablement comme l'un des réalisateurs d'épouvante les plus intéressants actuellement, si ce n'est le plus intéressant, et confirme par la même occasion les espoirs aperçus dans Black Swan, dans le fond, le film est plombé par une relecture de la Bible - encore - beaucoup trop visible beaucoup trop vite, et par une escalade bien trop WTF pour être crédible (et lorsque je parle de crédibilité, je parle bien de crédibilité dans l'univers du film en lui-même). En reste un film assez étourdissant, où la claque ressentie est surtout due à tout ce bordel.

Bon, en fait, ce film me reste vraiment dans la tête, donc j'ai besoin d'approfondir.

Tout d'abord, j'aimerais commencer par dire que c'est de loin l'un des films les plus brillamment réalisés de l'année. Il n'y a pas un seul plan qui est laissé au hasard. Tout est millimétré et Aronofsky nous fait oublier le désastre Noah. J'ai souvent comparé Black Swan à Shining en disant que c'était le seul film, dans toute ma vie, à avoir réussi à me faire me sentir vraiment mal au cinéma, tout comme Shining, donc, et je pense qu'ici, ça peut être également le cas pour certaines personnes. Je ne suis pas véritablement entré dedans pour diverses raisons qui ne sont pas toutes dues au film, et ça m'a empêché d'être véritablement dérangé. Il faudrait peut-être que je revoie The Fountain, mais là, à chaud, je pense que Mother! est son film le mieux réalisé.

Et les acteurs lui font honneur. A commencer par Michelle Pfeiffer. Vous saviez qu'elle était toujours en vie, vous ? Pas moi. Et je pensais que sa carrière était encore plus morte. Rien qu'à voir sa filmo récente, d'ailleurs, sur les 20 dernières années. JLaw est fidèle à elle-même (mais faut avouer qu'elle nous offre quelques scènes assez impressionnantes), tout comme Ed Harris, Javier Bardem, on sait de quoi il est capable quand il ne se perd pas dans des blockbusters.

Et toute cette maitrise fait de la première partie du film un mystère anxiogène et claustrophobique dont on a vraiment envie de voir la suite. Aronofsky parsème de nombreuses questions ici et là qui, pour la plupart, ne trouveront aucune réponse car ce simple home invasion des plus banals, mais magnifié par cette caméra, se transforme en un immense meltin-pot délirant où, à force de trop vouloir en faire, Aronofsky provoque plus l'hilarité que la stupéfaction, voire, la peur.

Car, à partir de l'arrivée des Abel et Cain les plus roux de l'histoire du cinéma, Aronofsky explore 15000 thèmes différents et ne se soucie jamais de l'overdose du spectateur. Bien que je trouve le sous-texte écolo très subtil et intelligent (surtout quand derrière, je me tape 7 Mothers qui parle de la même chose, en somme) et lui aussi magnifié par cette caméra, il y a tout un côté religieux ainsi qu'une relecture de la Bible qui sont extrêmement lourds.

Alors, d'un côté, le cauchemar ne s'essouffle jamais, et clairement, on n'a pas vu de cauchemar comme ça depuis belle lurette. Mais d'un autre côté, l'escalade est tellement rapide et tellement conséquente qu'on a juste envie de dire "wtf" tout le long.

Certains mystères ne trouveront aucune réponse, d'autres en seront rajoutés. Un peu cette façon assez putassière et nolanesque de nous dire "eh bah, si vous n'avez pas tout saisi, retournez le voir". Et d'un côté, on a envie de le revoir pour toutes ses qualités, et encore une fois, pour ce sous-texte écolo vraiment très intelligent car tellement subtil. D'un autre côté, tout le reste nous donne plutôt envie de le fuir.

Car s'il y avait encore un espoir dans ce film, il est complètement anéanti par ces dernières minutes, cet épilogue vraiment dégueulasse qui nous fait nous poser encore plus de questions. Et on se dit "tout ça pour ça". On se dit qu'Aronofsky s'est tapé un gros délire et qu'il avait envie de faire le film le plus barré et le plus violent psychologiquement de l'année. Et on se dit surtout qu'il s'y est mal pris.

Après Noah, deuxième déception pour un réalisateur qui avait, à mes yeux, réussi jusque-là un sans-faute.

C'est vraiment le genre de film pour lequel un peu de documentation va être nécessaire pour le comprendre...

À quoi tu fais allusion en parlant de "sous-texte écolo" ?

J'avais bien Dieu, Mère-Nature, Adam et Ève, le jardin d'Éden, le péché originel, Abel et Cain bien sûr, et dans une certaine mesure la destruction de l'Habitat-Terre par les Humains mais pas sous l'angle écologique. Je voyais plus une saillie contre la toxicité de la religion et de ses zélotes qui en viennent à détruire leur habitat même par l'intensité de leur dévotion.

Effectivement c'est assez évident rétrospectivement pour le coup de l'évier = Déluge, j'avais pas fait le rapprochement.

Par contre pour la toute fin c'est un peu plus obscur, et je n'ai pas compris ce que sont censés représenter les soldats qui protègent la Mère nourricière.

Et est-ce que le bébé représente Jésus ou autre chose ? Je penserais plutôt à un événement cataclysmique pas encore arrivé ici-bas, pour que la Mère en vienne à nous détruire finalement...

Je ne me voyais pas du tout le faire pendant le film, mais effectivement je me dis maintenant qu'il faudrait que je le revoie au moins une fois en ayant en tête cette grille de lecture pour comprendre un peu mieux ce qui m'a échappé.

J'ai beaucoup trop de mal avec le fait d'avoir mélangé tout ça. Vraiment.

Il dessert son film quand il part dans 15 messages à la fois.

Et on peut pas dire que je ne suis pas fan d'Aronofsky, pourtant.

C'est le fils de Dieu, tué par les Hommes, Dieu les pardonne en disant qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient (donc exactement ce que Jesus a/aurait dit sur la Croix à Dieu)...

C'est exactement ce que je dis au-dessus. Le film est en définitive raté parce qu'il parle de trop de choses différentes...

C'est une relecture de la Bible + un film écolo à plusieurs niveaux + une métaphore de la création + un film sur les problèmes de couple, le tout sous couvert d'Home Invasion. Putain quoi. Putain.

Je meurs d'envie d'adorer ce film. Je suis retourné le voir. Mais j'arrive pas à admettre qu'il ait pu parler de tant de choses à la fois avec autant de maladresses.

Je sais pas, je pense que ce sont juste des soldats... x)